– Peux-tu te présenter brièvement.
Kashink, 28 ans, parisienne.
– D’où vient ton blaze « Kashink »?
A la base c’est un bruit, un peu comme dans les comics quand les bruitages sont représentés sous forme de “BANG” ou “KLAK” en grosses lettres. “KASHINK” représente pour moi le bruit de quelque chose qui rebondit et qui se brise un peu en même temps, et je l’ai choisi parce symboliquement ça correspond bien à ce que je suis. C’est drôle parce que j’utilisais ce nom bien avant de me mettre au graffiti, et quand j’ai commencé à peindre sur les murs c’était une évidence que j’en fasse mon blaze.
– Comment définirais-tu ton style ?
Je peins majoritairement des personnages. Mon style est assez graphique, je travaille beaucoup en à-plat. J’aime bien le côté brut des à-plats de couleur qui se découpent. J’ai pas mal utilisé le thème du tryptique pour mes persos mais je le fais moins, maintenant j’essaie de faire des pièces assez grandes.
– Certaines de tes peintures me font penser à la Russie (poupées russes), d’autres au Mexique (dia de los Muertos) , Quelles sont tes influences ?
J’ai des origines slaves et hispaniques, les deux cultures comptent beaucoup pour moi, et j’ai développé un style qui se rapproche assez de l'”artisanat” de ces régions. Dans les deux cas, ce sont toujours des formes assez graphiques et dessinées qui sont utilisées. Je suis allée à Moscou il y a quelques mois, c’était mortel, les Russes sont fous! J’utilise souvent des références religieuses en lien avec l’orthodoxie qui est une religion dans laquelle j’ai été élevée, mais dont je m’éloigne justement en utilisant ses codes pour les détourner.
C’est vrai que mes personnages ressemblent souvent à des catcheurs mexicains, les références au folklore mexicain en général sont bien présentes dans mes peintures. C’est une culture que j’affectionne particulièrement depuis très longtemps, bien avant de me mettre au graff. J’ai plutôt un background rock’n’roll, je voulais être tatoueuse quand j’étais plus jeune, et les “calaveras” (têtes de mort) typiques du jour des morts au Mexique me plaisaient beaucoup. Représenter la mort avec plein de couleurs va complètement à l’opposée de notre vision “européenne”, où la mort est vraiment un sujet tabou. J’ai pas mal voyagé en Amérique Latine, dont au Mexique. En fait j’ai commencé à peindre il ya longtemps après avoir vu des portraits de Frida Kahlo, qui est ma toute première influence.
– Tu sembles « fascinée » par les visages pourquoi ?
Je peignais déjà des portraits avant de me mettre au graffiti, c’est un sujet qui m’a toujours beaucoup plu. Je pense que les visages sont fascinants, c’est là biensûr que se concentrent toutes les émotions, c’est par le visage qu’on communique en premier avec les autres, mais il peut aussi être trompeur, d’où la thématique des masques que j’aborde souvent aussi. Pour moi les visages sont très mystérieux: tout en étant la première chose que l’on voit chez l’autre, ils ne définissent évidemment pas les personnes, et suscitent les uns chez les autres toujours autant de curiosité alors qu’on en croise des milliers dans sa vie. On n’ose jamais vraiment regarder quelqu’un en détail, et si on se met à le faire, c’est troublant, même parfois avec des gens qu’on connait très bien. Certes, on peut dévisager longuement quelqu’un qu’on aime par exemple, mais qu’est ce qu’on finalement? Une image (idéalisée ou pas) de l’être aimé? Ce qui m’intéresse, c’est d’imaginer quels sont ces visages que je peins, ce qu’ils ont vécu, ce qui les a fait devenir ce qu’ils sont, leurs ambitions, quels sont ces masques qu’ils portent et pourquoi.
– Quels rapports entretiens-tu avec le milieu du graffiti.
Mon style de peinture est particulier et je sais qu’au début je me suis souvent trouvée face à des graffeurs “purs et durs” qui ne comprenaient pas ce que je faisais. Ils me disaient “oui, tu utilises des bombes et un mur mais c’est pas du graffiti que tu peins”. Définir ce qu’est le graffiti est un grand débat, duquel je préfère me tenir à l’écart. Je fais peu de lettres, j’ai pas mal bossé la calligraphie, mais jamais dans un style purement graffiti.
Je n’ai pas le parcours classique des débuts vandales à l’adolescence, des trains et des tunnels. Je comprends le concept trippant d’adrénaline et d’interdit mais je me suis mise au graffiti trop tard pour que ce soit ça qui me guide.
J’aime prendre mon temps, faire un truc qui me plaise, partager un bon moment avec des gens que j’apprécie. La majorité des gens avec lesquels je peins sont dans une dynamique de créativité constante et c’est ça qui me plait. Je connais toutes sortes de personnes avec des styles très différents, et bien que j’aime certains styles plus que d’autres, jusqu’à présent mes rapports avec le “milieu du graffiti” sont tout à fait cordiaux! En fait je pense que le fait d’être arrivée tard dans ce milieu est une très bonne chose, j’avais déjà développé mon style avant, j’ai déjà ma personnalité, et surtout je ne voulais pas à tout pris être intégrée dans ce petit monde du graff, ça m’est complètement égal qu’on me considère comme graffeuse ou pas, je fais ce que j’aime c’est tout.
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Rekm – Kashink – Izo – Ikea – Tvrbo – Genez – Wem – Loisir – Clope
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3615 – Tvrbo – Rolus – Kashink – Seize – Larosoire
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Dem 189 – Kashink – Popay – Native – Jean Spezial – Seth – Bonus
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– C’est un avantage ou un inconvénient d’être une femme dans le milieu du graffiti?
On me demande souvent si je ne souffre pas du machisme ambiant dans ce milieu mais ce n’est pas le cas. Je ne me suis jamais sentie mise à l’écart ou rejetée parce que je suis une fille, au contraire! Le fait d’être une fille qui fait du graffiti suscite la curiosité en général. De plus, je n’ai jamais eu l’ambition de me mettre en “concurrence” avec les mecs, comme s’il fallait à tout prix faire mieux. J’ai toujours fait mon truc, sans me soucier du jugement des autres.
Mon style de peinture est particulier et a pu susciter l’étonnement de certains, qui étaient habitués à un certaine image du graffiti féminin et qui n’ont pas compris que je n’aie pas envie de peindre des petites minettes en tenue légère… mais chacun son truc! Justement ça me plait d’arriver avec un truc décalé et de bousculer un peu les stéréotypes, d’où la moustache pour ceux qui connaissent…
– Quels sont les artistes qui t’inspirent et ceux avec qui tu aimerais peindre?
Les artistes qui m’inspirent sont nombreux, en terme de portraits évidemment Frida Kahlo! Je pourrais citer plein de peintres connus comme Basquiat, Barcelo, Miro et Kandinsky, mais ce qui m’influence vraiment c’est l’artisanat. J’adore m’intéresser aux symboles, aux techniques et aux motifs, comment ça s’est transmis de génération en génération, les couleurs typiques de la région, etc. Je pense que quelquepart le graffiti est aussi une forme d’artisanat, avec ses techniques particulières, ses traditions et son organisation parfois digne des Compagnons du devoir!!
En ce qui concerne les artistes avec qui j’aimerais peindre, j’ai déjà eu la chance de peindre avec pas mal de ceux que j’admire mais si je devais taper bien haut je dirais Os Gemeos.
– As tu des projets en vu pour les mois qui arrivent?
Un voyage au Japon cet automne!
Sinon je vais faire une expo à la rentrée à La Lucha Libre, un bar que j’ai décoré ambiance catch mexicain (il y a un ring au sous sol, yeeeaaahhh).
Je continue mes projets musicaux à côté.
– Un dernier mot que tu voudrais partager ?
Merci à ceux qui m’encouragent depuis le début, en particulier REKM, SEIZE et mon Romain.
Et merci à toi Vito!
– Merci
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